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Mylène Tanferri (SSP, Unil): «Technologie(s) de l’archive – Approche ethnographique de la description archivistique en environnements numériques», Vendredi 15 mars 2013

Compte-rendu par Enrico Natale (doctorant en Lettres, Unil)

Mylène Tanferri est titulaire d’un Master en sciences historiques de la culture de l’université de Lausanne. Elle entame cette année une thèse en sociologie des sciences à l’UNIL, sous la direction du prof. Dominique Vinck. Son projet de thèse, réalisé en cotutelle avec l’université de Salvador de Bahia, s’intéresse aux transformations amenées par les technologies numériques dans les institutions d’archives.

Cette recherche s’inscrit dans le domaine des Humanités Digitales, un domaine au sein duquel Mylène Tanferri distingue trois types d’approches. Premièrement, les recherches technologiques menées sur des corpus de sources traditionnels des sciences humaines, comme par exemple les travaux de Yannick Rochat ou ceux de Mélanie Fournier. Deuxièmement, les recherches en sciences humaines qui mobilisent certains outils numériques, comme les recherches de M. Grandjean et P. Papaevangelou. Et enfin, les recherches de types épistémologiques, qui s’interrogent sur la genèse et les effets des nouveaux dispositifs techniques dans les sociétés. La recherche de Mylène Tanferri s’inscrit explicitement dans cette dernière catégorie.

On assiste, depuis quelques années, au sein des disciplines des sciences humaines, à une prise de conscience relative aux transformations amenées par l’informatique dans le rapport aux sources. Cependant, très peu de recherches ont été menées jusqu’à présent sur les institutions qui sont traditionnellement au centre des processus de documentation et de mémoire des sociétés occidentales, c’est à dire les archives.

Les méthodes d’archivage informatisées permettent désormais de classer les documents dans des bases de données, d’utiliser des moteurs de recherche pour rechercher des informations, de partager des informations standardisées entre plusieurs institutions et de donner accès à des copies numérisées de documents d’archive sur le world wide web.

Quelle influence ont les technologies numériques sur les processus de sélection, de classement et d’indexation des documents dans les archives ? Comment les archives s’adaptent-elle aux caractéristiques des données numériques, notamment celle de l’obsolescence rapide des formats ? Et quelles conséquences ont ces transformations sur les archives qui seront disponibles demain pour les chercheurs ?

Les études structuralistes sur les archives ont montré que les normes de description et les catégories de classement utilisées dans les archives ne sont jamais neutres. Aussi prosaïque que soit leur fonction classificatoire, elles portent en elles des discours et reflètent des façons de penser, des idéologies, qui ont ensuite, par des effets d’échelle, une influence décisive sur le développement des sociétés.

Lors de la nécessaire recodification des normes et des catégories de classement que demande le passage à l’informatique, comment ces aspects structurels sont-ils pris en compte ? Quels sont les enjeux autours de l’interopérabilité des inventaires d’archives sur internet, en relation avec les politiques patrimoniales et les identités nationales ? Est-ce que la standardisation internationale des normes archivistiques – qui a suivi de près la généralisation de la bureautique –  peut-elle être interprétée, dans une perspective postcoloniale, comme un agent de domination culturelle imposé par les pays les plus développés ? Comment se fait l’adoption – ou l’adaptation – des normes internationales dans les divers contextes nationaux ?

Pour répondre à ces questions, Mylène Tanferri entend mobiliser deux méthodes de recherche.

La première, celle de “l’ethnographie multi-située”, combine les méthodes de l’ethnologie des sociétés contemporaines avec une approche comparatiste. M. Tanferri entend s’insérer professionnellement dans des institutions d’archives en faisant des stages – l’un dans des archives en Suisse romande, l’autre à Salavator de Bahia au Brésil – et collecter des informations au sein de ces institutions en utilisant la méthode de l’observation participante. Observation des pratiques, suivi du point de vue des acteurs et analyse ethnosociologique du processus d’archivage sont prévus.

L’autre approche consiste à faire une analyse qualitative des programmes informatiques de classement et de description d’archives, en se basant sur le suivi d’un corpus déterminé à travers son processus d’archivage. Cet examen permettra de comparer les caractéristiques d’un fond archivé à la main avec celles d’un fond archivé avec les moyens numériques. Seront évaluées les différences qualitatives des normes de descriptions, et les évolutions que celles-ci ont connues dans la durée. D’une façon plus générale, l’histoire des institutions d’archives et la professionnalisation du métier d’archiviste seront également pris en compte dans ce chapitre.

Lors de la discussion sont abordées les difficultés que posent les archives audiovisuelles, privilégiées par la chercheuse pour son étude de corpus. En effet les archives audiovisuelles sont minoritaires au sein des archives, et ne sont par conséquent que peu représentatives du travail archivistique dans son ensemble. En outre, ce type de sources posent certains problèmes liés à l’histoire de l’art et au statut de l’œuvre d’art qui viendraient complexifier davantage la recherche.

Une autre problématique discutée est celle du principe de provenance, selon lequel les documents dans les archives sont toujours classés hiérarchiquement selon leur institution de provenance et en suivant le classement opéré à l’origine par leur créateur – sans remaniements chronologiques ou thématiques. Le bien-fondé de ce régime d’organisation est aujourd’hui d’une certaine façon remis en cause d’une part par la technique de l’hyperlien, qui permet de mettre en relation deux éléments séparés par le cadre de classement, et d’autre part par le moteur de recherche, qui, en recherchant de façon horizontale dans l’ensemble des informations disponibles, annule les échelles hiérarchique qui structurent l’organisation des archives.

Les outils numériques sont-ils en train de transformer radicalement les normes de description et les principes de classement des archives, développés dans un environnement pré-numérique ? Est-ce qu’à leur tour les institutions d’archives réussiront-elles à continuer d’assumer leurs fonctions traditionnelles dans des sociétés qui n’ont jamais produit autant d’information qu’aujourd’hui ? Voici deux questions que la recherche de Mylène Tanferri devrait contribuer à éclaircir.


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