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«Une recherche sur l’histoire des transformations technologiques: questions et problèmes», Enrico Natale (Lettres, Unil), 22 mars 2013

Compte-rendu par Richard Marion (doctorant, SSP)

  • Enrico Natale nous propose une première présentation de son travail sur l’histoire des TIC en Suisse. Les humanités digitales y apporteront une réflexion épistémologique sur les nouvelles technologies.images
  • Un des intérêts de la recherche proposée par Enrico Natale réside dans le fait qu’il avance deux dimensions à l’étude des TIC : d’une part, comme outil transformant nos propres pratiques, d’autre part comme objet d’étude. Ce dernier point interpellant pleinement la question de la réflexivité.
  • Première dimension. Travaillant sur des technologies en train de s’inventer, Enrico Natale veut “saisir ce qui est incertain”.
    • À l’origine du projet se trouve un portail de ressources documentaires en ligne à Berne. Il s’agit maintenant d’un travail sur l’informatisation des connaissances en Suisse. La constitution et la gestion des bibliothèques numériques prennent de plus de temps et d’argent et semblent de plus en plus au centre des discours. C’est de ce point de vue que se fait jour un manque de visibilité, voire de prévisibilité : « on ne sait toujours pas où l’on va ». Pour le chercheur, il manque d’une profondeur critique.
    • Un des premiers problèmes pour le chercheur est celui des mots (information, savoir, bibliothèque, patrimoine culturel, technologie…) : le vocabulaire varie en effet très rapidement et se trouve déjà saturé de contenu contradictoire. Il est par ailleurs soumis à de très nombreuses instrumentalisations ; la recherche en matière de TIC est face à une multiplicité des litéracies contemporaines (multiplicité des pratiques et des modes d’élaboration).
  • Deuxième dimension. Utiliser les nouvelles technologies pour étudier les nouveautés apportées par ces outils (mise en abyme).
  • 15 ans avant et après l’arrivée d’internet.
  • Organisation concrète du projet de recherche, sous réserve de soutien financier par le Fonds national suisse :
    • 3 thèses de doctorat, dont celle en cours d’Enrico Natale,
    • objectif de créer un corpus de sources,
    • présentation des résultats sous forme de corpus numérique.
  • 4 portes d’entrée :
    • base de données : les programmes d’ordinateur ont une histoire comme industrie de services. Il s’agit d’un système de structuration du savoir qui produit des effets épistémiques (cf. le pharmakon chez Platon : une écriture à la fois poison et remède ; pharmakon cité par Stigler dans le champ des humanotés digitales). Aussi, chez Derrida, présence de la pharamacie de Palton.
      • S’ensuit un échange entre DHers venues de l’ingénierie et des humanités :  perdrions-nous vite la mémoire en humanités digitales ? D’où cette proposition de toujours revenir à la source, en respectant l’indépendance des pensées à travers la plongée dans leur expression originale et « pour elle même » et non seulement sa mobilisation contemporaine.
      • Dans la suite de cette tension épistémologique, revient la question de la langue : s’agit-il seulement une question d’interface ?
    • Revenant aux TIC comme objet t’étude, Enrico Natale nous présente les changements de pratiques du travail de bureau dans la saisie de données afférents à ces nouvelles technologies ou à leurs utilisations renouvelées. L’informatisation des bibliothèques invite à se poser la question des transformations de l’institution bibliothécaire en cours et de leurs relations avec celles des TIC.
      • La numérisation du patrimoine culturel pose en effet de nombreuses questions : quels sont les choix que l’on fait pour s’y prendre dans la pratique ?
        • Concrètement : quels sont les fonds numérisés ? Pourquoi ?
        • Comment la définition d’un patrimoine culturel se transforme-t-elle ? Nous retrouvons ici les enjeux de définition. L’étude minutieuse des transformations à l’œuvre autour de l’implémentation des TIC constitue ainsi un prisme privilégié d’étude  des catégories émiques pour en affiner la compréhension qu’en ont et qu’en construisent les acteurs.
        • Enrico Natale parle du rapport sur la « mémopolitique », commandité par l’Office fédéral de la Culture en 2008 pour poser les bases d’une politique fédérale de la mémoire en ligne. Cependant, lorsqu’il s’agit de coordonner les institutions patrimoniales, se font jour de nombreuses résistances des régionalismes refusant le choix bernois de numériser et les choix de numérisations arbitrés, ce qui mènera à l’abandon de cette initiative.
    • Collaboration en réseau. Divers réseaux numériques, listes de diffusion, wiki… Fiabilité dans la collaboration au réseau.
    • Accès ubiquitaire à l’information ou au savoir. Pourquoi : gain de productivité et de temps. Accès à l’information scientifique. Enjeu du stockage des données.
  • S’agissant du lancement d’une recherche, l’intérêt se portera sur les problèmes de recherche qui en dessinent progressivement la teneur et les contours :
    • La question du statut des sources (question d’expertise privilégiée de l’historien) dans la citabilité des sources numériques et l’obsolescence des adresses URL déstabilisent fortement la notion, son utilisation et son partage comme référence commune.
    • La pertinence voire la nécessité d’une perspective comparative : comment faire une histoire des TIC en Suisse sans une histoire de l’industrie des TIC qui n’est principalement en Suisse ?
    • Cette étude très ciblée des TIC et de la numérisation des bases de données en Suisse est envisagée en lien avec des évolutions sociétales de fond.
      • une société post industrielle, mue par le savoir ?
      • quelle professionnalisation du travail de la documentation ?
      • « apparition » d’une industrie des TIC, hardware et software : deviennent-elles les moteurs de notre économie ?
        • Comment tout cela s’inscrit-il et s’articule-t-il dans une transformation générale des pratiques de communication ?
        • quelles interactions avec les problématiques et les pratiques du new public management : rationalisation des organisations institutionnelles ? Il semble que ce dernier se fonde dans la pratique beaucoup sur son utilisation des technologies en général et des TIC en particulier.
        • quelle marchandisation du savoir ? Devient-il une chose ou un flux ?
    • Enjeux de la pratique de l’histoire orale, rattachement privilégié d’Enciro Natale. En se fondant prioritairement sur des entretiens, il s’agirait donc :
      • d’interroger les élites (perçues ici comme les pionniers, les acteurs principaux de ces transformations).
      • de se mettre aussi à l’écoute des gens qui n’ont pas d’histoire : « les victimes », c’est à dire ceux qui ont « subi » l’informatisation.
        • Se pose et se débat ici la question du statut et des étiquettes attribuées aux acteurs par d’autres acteurs et/ou par le chercheur lui-même : qui dit qui est victime ? en quoi sont-ils/elles victimes ? victimes de qui/quoi ? Est-ce si sûr que ces victimes y perdent de leurs points de vue ? qu’elles subissent cela passivement sans adaptation et appropriation possible ?
        • Le rôle du manager est envisagé comme proactif vis-à-vis d’autres acteurs réduits à s’opposer, à disparaître ou à s’aligner. La discussion fait ressurgir l’importance possiblement clef du middle management.
    • Matériaux de travail DH :
      • presse numérisée
        • Compter les occurrences, clusteriser les articles qui parlent autour de certains thèmes => aide à la sélection de matériel pour le close reading.
        • débats parlementaires.
        • Enjeux de réflexivité avec des nombreux termes => gagner à observer l’évolution de ces termes.
    • Lieux de savoirs : attention aux pratiques matérielles et représentations collectives qui participent à la production, à l’élaboration et à la transmission des savoirs.
      • Vers une étude de controverse à la Latour, par exemple autour de la numérisation des bibliothèques par Google ?
      • Dans une perspective d’acteur-réseau, il n’est pas sûr qu’il y ait besoin de postuler la centralité des bibliothèques pour commencer à les étudier. La question de la centralité peut se poser et se construire à partir du réseau tel que mis en mouvement par les acteurs.
    • Humanities computing (ancêtre des DH) = utilisation de l’informatique au service de la recherche (plus que les bibliothèques pour la mise à disposition de l’information).
    • La question de la possible non différence de nature entre ces objets : d’une certaine manière, une bibliothèque est une base de données aussi.
    • Cette étude comme prisme d’approche politique de ce qu’il se passe à Berne (évolutions administratives, débats parlementaires), dans interactions et articulations entre administrations fédérales et cantonales.
    • Liste des objets de débats :
      • Utopie de la bibliothèque universelle
      • Dystopie de la fin des bibliothèques
      • Propriété intellectuelle des objets numériques. Privatisation des savoirs.
      • « Interopérabilité » des données.
      • Place de l’auteur abordée avec wikipedia.

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